samedi 13 mai 2017

Handicap et musique électro : le cas BrutPop


Il y a un mois, j’évoquais l’œuvre de Bruce Haack et notamment son accomplissement dans le domaine de l’éveil musical des enfants. Dans la version vinyle de Bite, le dernier album studio sorti du vivant de l’artiste, était inclus un livret à destination des enseignants pour apprendre à utiliser les machines électroniques comme outil pédagogique. Et en 2005, sortait une compilation-hommage à l’œuvre de Haack, Dimension Mix, dont les profits étaient reversés à un fonds d’aide aux enfants atteints d’autisme.

Si j'aborde le sujet, c'est tout simplement parce qu'il va être question de décalage en ce mois de mai. Plus exactement de décalage psychique et/ou physique vis-à-vis de cet obscur creuset que l'on nomme "la société" : le handicap. Un mot qui affecte à plusieurs niveaux, suscite des craintes et des fantasmes… et par là même une condition pouvant faire émerger d'autres approches en matière de création artistique. Aujourd'hui, on regarde le verre à moitié plein avec la thématique Handi’Spot !
Du coup, il est logique pour votre serviteur d’approfondir les rapports entre musique et psychologie en nous intéressant de plus près à la question de la musique électronique en tant que support de création pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique.

Bref, l’occasion est parfaite pour traiter du cas de BrutPop, un atelier créé en 2009 par Antoine Capet, éducateur spécialisé, et David Lemoine du groupe Cheveu (que les G-Spots avaient évoqué dans l’émission velue de novembre 2015). Leur but : proposer aux personnes en situation de handicap des instruments de lutherie et de musique électro à la hauteur de leurs capacités. Le mot d’ordre est donc la simplicité afin d’apprivoiser au mieux les modulations du son et en tirer quelque chose de manière spontanée, proche de l’art brut (d’où le nom). Car il s’agit bien de permettre aux usagers de s’exprimer artistiquement d’une voix qui soit véritablement la leur sans pour autant en sacrifier la musicalité.


Parmi leurs créations, la pièce maîtresse du projet – celle qui résume toute la philosophie de l’atelier – est la BrutBox : un simple boîtier cubique relié à un ordinateur et doté d’un bouton ou d’un capteur (de lumière, de mouvement) consacré à un son. L’usager découvre donc progressivement le son et les effets qu’il peut en tirer selon ses gestes, avant de passer à un autre boîtier puis de les relier ensemble et créer des compositions plus complexes. Tandis que les bidouilleurs en herbe pourront trafiquer la partie logicielle et modifier le son.


En résumé, une fort belle initiative destinée à rapprocher les gens handicapés et valides autour d’une approche ludique et intuitive de la pratique musicale. D’autant plus que BrutPop a à cœur de proposer des instruments peu coûteux à fabriquer, dont les fichiers sont fournis en open source afin de faciliter le développement d’initiatives dans les milieux spécialisés… et aussi pour les passionnés de bidouillage électronique et de lutherie urbaine.


Car au-delà du pont dressé entre la création artistique et les personnes handicapées que la société tend à limiter à leur condition, c’est quelque part le retour d’un certain esprit do it yourself qu’apporte BrutPop, où l’underground est plus que jamais le terreau d’une nouvelle créativité, plus impulsive et libératrice de nos schémas de pensée, aussi bien vis-à-vis de la musique que de notre manière de considérer les gens que l’on dit « différents ».