lundi 14 novembre 2016

Interview Dan Terminus @Synthzilla Festival 2



Petite entrevue avec Dan Terminus, présent avec un DJ Set lors de la soirée Indie Game Night du Synthzilla Festival.



Bonjour Dan et merci de répondre à nos questions. Quel est ton regard depuis tes débuts sur le genre de la synthwave ? Est-ce que tu trouves que le genre se renouvelle, ou qu'il y a déjà des gimmicks et des formules qui se répètent ?

C'est difficile de répondre, mais des gimmicks existaient déjà avant que je commence à faire ce genre de musique dans le sens où il y a des gars qui font uniquement de la musique typée 80's, avec des bons vieux toms électros hyper gros avec beaucoup de réverb, une petite basse et des petites voix. Après, pour la synthwave telle qu'on l'entend, des gens comme GosT ou moi on essaie de pas se répeter sinon on s'ennuie. Pour le reste, je m'en branle complétement parce que si je commence à prendre en compte ce que font les uns et les autres, je m'en sors plus. Ca me fait plaisir d'être inclus dans la scène mais pour les gimmicks, je m'en fous.

Etant donné que c'est une scène qui brasse beaucoup d'influences, quel est ton background musical ?

J'ai été formé au solfège européen, donc très rigoureux. J'ai fait du piano, du violon, un peu de clavecin, de la batterie et de la guitare. Dans ma famille, la musique avait une place très importante et était prise au sérieux. Ma mère est une amatrice très éclairée de classique et mon père fait du jazz, du blues, du flamenco et m'a ouvert l'esprit sur ça. C'est eux qui m'ont aussi fait découvrir la musique éléctronique par l'intermédiaire de Jean-Michel Jarre et Vangelis. Ca a été la base avec le classique et Mozart, Beethoven et surtout Bach. Ensuite, je suis devenu metalleux parce que je trouve que c'est une musique dans laquelle on peut s'exprimer de manière assez extrême, même si ça sonne un peu cliché, c'est vrai. A une époque on ne pouvait pas dire qu'on aimait Carcass, Bathory, Celtic Frost et Depech Mode et Vangelis sinon on était considéré comme une tarlouze. Mais dans ce cas là je suis une grosse tarlouze parce que j'ai toujours aimé ces groupes-là, bien que je m'enorgueillisse de mon hétérosexualité flamboyante. Aujourd'hui quand on demande mes influences, je fais la distinction entre les racines avec ce que j'ai cité précédemment, par mes parents, et mes influences qui regroupent aussi bien Bathory que John Carpenter, Depech Mode, Type O Negative, les Smashing Pumpkins, Slayer, Chokebore, Ministry, les Melvins... et on pourrait y passer la soirée.


Ca s'entend bien dans ce que tu fais parce que tu as un son assez unique, presque jeu vidéo,sans être de la chiptune, et aussi très metal. Comment abordes-tu la production ? Sur Facebook tu communiques beaucoup sur le mastering de ton prochain album, mais comment t'es-tu formé à l'aspect technique sachant que c'est un genre où on a tendance à souvent travailler seul ?

Je suis convaincu que le mastering ne sert à rien, même si ça va faire hurler les ingés-sons. Je préfère passer énormément de temps sur un mix de manière à obtenir quelque chose de très brut et sec, à la manière de Rick Rubin ou Steve Albini. Je suis obligé de passer par la case mastering étant donné que je sors mes albums sur plusieurs supports et on ne peut pas balancer n'importe quoi pour du vinyle. J'ai en référence ultime de mastering Mr Bob Katz, dont tous les ingés-sons devraient écouter les dires et fermer leur gueule et arrêter de me casser les couilles avec le mastering après.

Sinon je me suis interessé assez tôt à l'enregistrement, avant de faire de la musique même. J'ai commencé sur des trackers 4 pistes sur Atari ST avec des disquettes de 3 pouces et demi. Evidemment, je ne travaille plus comme ça et j'ai découvert la production d'éléctro quand j'ai découvert la synthwave. Avant, je pensais que les gens faisaient ça sur un Mac ou un Atari mais pas du tout. C'est Perturbator qui m'a expliqué ce qu'était un DAW (Digital Audio Workstation), soit un studio dans un logiciel. Je me suis vite rendu compte que j'étais limité par ma propre inculture en électro. Et c'est encore Perturbator qui m'a aidé d'un point de vue très général, sans critiquer ni juger ma musique, et s'il n'avait pas été là à ce moment, je n'en serais pas où j'en suis aujourd'hui et surtout je n'aurais pas appris aussi vite. Des membres de Noir Deco m'ont aussi appris à faire de la musique électronique de manière efficace. Là encore je vais dire quelque chose qui fera hurler les ingés-sons, mais en matière de son, la seule règle, c'est qu'il n'y a pas de règle. Tant que ça sonne bien faut pas y toucher. Même si ça aide de savoir ce qu'est un chorus, un compresseur, comment marche un préampli... Je pars du principe que je n'ai jamais fini d'apprendre, qu'ainsi j'augmente le diamètre de la sphère de mes connaissances.

C'est vraiment une approche d'un musicien à son instrument en fait.

Tout à fait et je pense que c'est la seule manière efficace. En se posant des questions sur la façon dont on va créer tel ou tel son. C'est dommage de rester bloqué alors que l'on a accès à des tutoriels sur Youtube aujourd'hui.


C'est marrant que tu cites Perturbator, parce qu'avec lui et Carpenter Brut, vous êtes le trio français de la synthwave. Mais personnelement, je trouve que ton univers, et en particulier par le biais de tes pochettes, semble bien plus immersif. Tu ne fais pas forcément quelque chose de très normé par rapport à tes contemporains, que ce soit dans l’esthétique 80's ou plus récemment l'aspect occulte. Tu te situes comment face à ce qui est parfois de la surenchère et surtout toi d'un point de vue graphique sur la scène ?

Là aussi je n'en ai strictement rien à branler de ce que font les autres. Chacun fait ce qu'il veut et surtout ça ne m'affecte pas. Perturbator à son délire électro-satanique, Gost c'est complétement satanique, Carpenter Brut c'est plutot les 80's patins à roulettes et skateboards... Moi c'est plutôt le cyberpunk, donc on a chacun notre univers... mais que Perturbator aille se faire enculer (rires). Il sait que je l'aime et on s'insulte régulièrement par autographes interposés. Maintenant je peux l'insulter par interview interposée.


Pour te répondre vis-à-vis des visuels, j'ai tendance à être très fainéant sur ça. J'ai une idée précise de ce que j'ai dans ma tête et je préfère aller voir de vrais artistes graphiques qui pourront magnifier ce que j'ai à l'esprit.


Actuellement tu travailles avec Luca Carey.

Oui, comme Mariah Carey mais il n'est pas de sa famille. Il a fait une école assez prestigieuse à New York, et qui sait aussi bien peindre avec une tablette que sur une toile avec la peinture. C'est lui qui m'a contacté pour me présenter ce qu'il faisait et j'ai complétement craqué. Quand je lui donne une idée, il en fait quelque chose que même dans mes rêves les plus barges je n'aurais pas pu imaginer.

Ca donne un côté très psychédélique à ton univers et à ta comm' et encore une fois très inspiré du jeu vidéo old-school, ce que tu es le seul à avoir.

Et tant mieux, ça me convient très bien. Si ça n'était pas le cas, je n'aurais pas fait appel à lui. J'ai aussi fait appel à Bad Taste Factory pour mes premiers albums. C'était des peintures originales et dans l'esprit de la musique. C'est des choses que je serais incapable de faire moi-même et c'est pour ça que je préfère laisser faire les professionnels.


On va reparler de ta discographie. Il y a un de tes albums que j'aime énormément, c'est Reverie, qui ne fait pas l'unanimité chez les fans. Pour ma part, il me rappelle énormément la Megadrive et des jeux comme Phantasy Star. Qu'est-ce qu'il représente pour toi ?

C'est une blague à la base. Je venais de sortir The Darkest Benthic Vision, mon premier album, et j'étais déjà en train de virer vers quelque chose de plus agressif et violent, mais c'était voulu. C'est pour ça que j'avais mis sur mon Soundcloud les morceaux "Restless Destroyer" et "Cherenkov Blue Overdriver". Mais les gens ont commencé à dire que je copiais Carpenter Brut à cause de ce virage. Cela dit, je préfère qu'on me dise que je copie Carpenter Brut plutôt que de la merde. Il en va de même pour Peter Steele. Et donc les gens aimaient ce côté plus calme et plus 80's. Du coup j'ai décidé de faire cet EP en mode par-dessus la jambe. J'ai pas réfléchi contrairement à ce que je fait d'habitude lorsque je compose. J'ai une sorte de bibliothèque dans ma tête où je fous les morceaux qui me passent par la tête. Là, je structure le tout et dès que j'estime que c'est prêt je l'enregistre, quitte à le modifier par la suite. Et pour cet EP, la seule contrainte était de ne pas faire quelque chose de trop agressif. Je pensais faire la BO d'une discothèque abandonnée et appeler ça "Le dernier synthétiseur", avec un personnage qui jouerait du synthé avec deux doigts, et ça ne va pas plus loin. Je voulais juste montrer que j'étais capable de faire quelque chose de pop et sucré et de bien le faire.


On est à l'AFK Bar ce soir pour la soirée Indie Game Night de la deuxième édition du Synthzilla. Tu as une actualité dans le jeu vidéo toi aussi, puisque tu as participé à la BO du jeu NeuroVoider. Comment ça s'est passé de bosser là-dedans ?

Le fait de bosser chez soi sur des synthés virtuels pour une musique qui se retrouve dans un jeu qui est distribuée au plus grand nombre, ça flatte l'égo, c'est sûr. Ça permet aussi de se dire : "Merde, ma musique vaut vraiment quelque chose". C'est un des développeurs du jeu, Thomas Altenburger, qui m'a dit qu'il voulait mettre l'intégralité de mon album The Wrath of Code sur le jeu. Ils m'ont envoyé une copie Beta du jeu et j'ai vraiment adoré. C'est des passionnés qui sont extrêmement carrés et qui aiment ce qu'ils font, et j'aime travailler avec ce genre de personnes.



Pour finir, quels sont tes projets pour la fin de l'année et début 2017 .

Je travaille sur mon dernier album qui est prêt artistiquement. Pour la pochette, c'est bon aussi, je pense que Luca a dû passer près de 200 heures dessus. Il m'a dit qu'il a failli y perdre la raison. Techniquement, il reste des choses à travailler sur le mix et le mastering. Il y a du travail sur mon identité visuelle au niveau du merch, des t-shirts... c'est quelque chose dont j'ai déjà pu avoir un aperçu et ça me plait. Rien à voir avec mes covers d'albums, mais ça sera dans un style qui m'est propre, ça sera du Dan Terminus. Je veux que les gens, en voyant les designs de Perturbator, GosT, Carpenter Brut et Dan Terminus, reconnaissent les miens. Il y a des concerts prévus, et peut-être à l'étranger, mais je ne peux pas en dire plus. Même si ce sont des choses pour un artiste de mon envergure très intéressantes.

Merci beaucoup pour cette interview.

Mais de rien... ah merde j'ai niqué le micro!

Dan Terminus est sur facebook, soundcloud, bandcamp et twitter.