dimanche 27 novembre 2016

Jaz Coleman : symphonie, fugue et sable chaud


Si pour certains le monde du rock est peuplé de cols bleus, ou d’individus issus de basse classe sous-éduqués qui peuvent avoir la chance de faire fortune avec un seul tube basé sur les deux seuls accords qu’ils ont été capables d’apprendre à la guitare, alors balayons vite cette idée. Le monde du rock est peuplé de personnes hors du commun qui ont fait le choix un peu fou de mener une vie d’artiste. Parfois même de personnes un peu folles, hors du commun et avec une éducation musicale supérieure.

Aujourd’hui, nous vous conterons une histoire qui s’est déroulée dans le roi des déserts dont le héros s’appelle Jaz Coleman. Plus connu pour être le leader du groupe anglais de rock industriel Killing Joke, il est aussi un compositeur de musique contemporaine et auteur de nombreuses symphonies et de réarrangements pour orchestre de musique de groupes comme Pink Floyd, Led Zeppelin ou The Doors. 

Et pensez-vous qu’il s’y est mis comme ça, en se levant un matin, « oh, tiens, et si je me mettais à écrire des partitions pour orchestre » ? Non, le monsieur a reçu depuis son plus jeune âge une éducation musicale poussée : piano, violon, choeurs, collège, conservatoire… C’est presque étonnant de le voir, dans ce parcours assez classique, choisir de fonder un groupe de post-punk comme Killing Joke à la fin des années 70… presque à la même époque où il rejoint le Conservatoire du Caire, capitale égyptienne, où il étudie les quarts de tons de la musique arabe.

En Egypte, il y retourne justement en 1990. Fasciné par le pays, sa culture, son histoire, son atmosphère générale, il dédie au Caire un album, Songs From The Victorious City (Le Caire signifiant en arabe La Victorieuse). Ecrit en collaboration avec la compositrice et productrice Ann Dudley du groupe Art Of Noise, auteure aussi de bandes originales (American History X, Oscar de la meilleure B.O. pour The Full Monty, etc.) et musicienne de session dans la pop-music (Cher, Elton John, Paul McCartney, George Michael - « Careless Whisper », quoi ! - etc.), et enregistré avec des musiciens égyptiens, il s’agit d’un album de world music de grande classe, une fresque hommage à cette région du monde dans tout ses aspects. Parsemé encore des personnalités de Coleman et Dudley, notamment par l’emploi de l’électronique, cette oeuvre offre une porte d’entrée aisée pour découvrir la musique orientale. 


Et là, vous allez nous dire que l’Egypte, ce n’est pas que du désert et que Le Caire, c’est tout de même une grande métropole posée sur le delta d’un fleuve… Pas trop l’idée qu’on se fait d’une zone désertique… Mais nous voulions quand même vous présenter cet album et sa musique aussi proche que possible de notre vrai sujet : l’escapade saharienne de Jaz Coleman.

Cela s’est passé il n’y a pas si longtemps, en août 2012, Killing Joke, à quelques semaines d’un départ en tournée, annonce avoir perdu son chanteur. Perdu comme paumé, égaré, « t’as regardé sous l’armoire ou à la cave ? »… Sans explication, sans un message sur le répondeur, Jaz Coleman s’est évaporé. Stupeur ! Frayeur ! Et il se passera bien deux semaines avant que le chanteur resurgisse dans l’ouest du désert du Sahara, étonné qu’on soit étonné, qu’on s’inquiète. Lui qui avait déjà disparu une fois en 1982, direction l’Islande, encore un lieu à l’écart du monde, aussi près de l’Arctique qu’on peut l’être, alors que Killing Joke était déjà en pleine tournée, lui qui dit partout qu’il n’est qu’un nomade ne possédant que deux valises et leur contenu, considérait surement que sa disparition serait tout à fait normale. Et pour quoi faire ? S’offrir une retraite artistique au désert pour composer une nouvelle symphonie. Toujours normal quand on le connait, en fait. 

Tout comme il n’est pas exclu qu’il ait combiné là une farce mortelle. Car Jaz Coleman a de l’humour, comme le démontre les rires qui ponctuent souvent ses interviews, loin de l’image triste et sombre de son personnage avec Killing Joke. Un humour à l’anglaise, à froid, parfois noir, qui frappe sans prévenir, mais irrésistible.


Retrouvez prochainement la version audio de cette chronique dans notre podcast consacré au Désert.