Ô combien de fois l'avons-nous répété ! Le sujet des reprises et autres "grands détournements" est inépuisable pour la simple raison que chaque fois qu'un groupe nait il commence naturellement par apprendre à se connaître, forger ses premières armes, à travers une ou plusieurs reprises, et que même un groupe avec du vécu en vient souvent, presque fatalement, à vouloir rendre hommage à ses premières influences, sur scène ou sur disque, avec une petite cover. C'est sans limite.
Pourtant, s'il y a bien un groupe qui pouvait se dispenser d'en passer par là, c'est certainement RUSH, connu pour bien des choses sauf pour son art de la reprise. Et pour cause : en plus de quarante ans d'existence (et presque tout ce temps sans changement de musiciens !), les reprises dues aux proggeux canadiens sont à peu près aussi rares que les caries dans la bouche d'un nouveau-né. A peine un petit coup de Buddy Holly sur leur premier single en 1973 ou de Larry Williams en live entre 73 et 74 (citons tout de même en passant la reprise partielle de "Powerhouse" de Raymond Scott dans le classique "La Villa Strangiato") sont répertoriés avant une carrière qui peut s'appuyer fermement sur les talents de compositeurs du trio Lee / Lifeson / Peart. Pas besoin d'aller fouiller dans le répertoire des autres avec ça !
Mais vint l'année 2004, l'année des trente ans du groupe (dans sa formation actuelle et immortelle) que Rush a fêté de façon rétrospective en fouillant dans sa mémoire, dans leurs souvenirs d'ados bousculés par les premiers riffs lourds de l'histoire du rock et se noyant dans le psychédélisme de la seconde moitié des années 60 avec un EP de reprises (et parfois de reprises de reprises) de Blue Cheer, The Who, Buffalo Springfield, The Yardbirds, Love ou encore Cream (ou plus clairement Clapton tapant comme à son habitude dans l'histoire du blues pour se faire mousser).
Bref, Rush a pondu un EP tout à fait dispensable puisque leur répertoire ne manquait pas de chefs-d'oeuvre et parce que - outre le fait que ces titres ont dû alourdir quelques temps leurs setlists de concerts - ces reprises n'ajoutent guère aux originales, si ce n'est "la patte" Rush, autrement dit la maestria propre à chaque membre du groupe qui honore les compositions choisies.
Parmi celles-ci, retenons au moins le morceau d'ouverture, le "Summertime Blues" d'Eddie Cochran, déjà repris dans les Sixties par Blue Cheer et The Who, sans doute de façons un tantinet plus musclées que les Canadiens, ce qui ne l'a pas empêchée de résonner dans la foire aux biscottos du Summerslam 2004 de la WWE.