mercredi 2 mars 2016

Un quart de siècle sans Gainsbourg


C'était le 2 mars 1991... Nous vivons depuis vingt-cinq ans dans l'ère post-Gainsbourg de la chanson/musique française et celle-ci semble ne s'en être toujours pas remise guettant en vain parmi les jeunes pousses les nouveaux Serge. 

Personne n'aura jamais comme lui, dans la chanson populaire, ce talent de manieur de mots, ne se plantera pendant des années à vouloir vendre de la musique chiadée, nourrie de classique et de jazz, bardée de textes trempés dans le cynisme, la misogynie et un certain élitisme culturel, au temps des fashion-victims alors appelées yéyés, fera fortune avec du détournement de mineur ("Les Sucettes" dans la bouche de France Gall alors en dessous de l'âge légal de la majorité) et deviendra un monstre (au sens propre et figuré) sacré (après une vie de profanations) de la culture populaire française puis mondiale. 


Jamais artiste n'aura désormais de parcours à la Gainsbourg, polissant son art contre l'âpre réalité du marché du disque. Parce qu'il est impossible de nos jours, qu'en ayant fait un "flop" avec les ventes de ses tout premiers disques, et même si on est copain avec des Gréco, Vian, les influents Frères Jacques ou le gratin de la vie nocturne parisienne, on continue à avoir sa chance pour finalement sortir des albums-concept comme L'Histoire de Melody Nelson, chef-d’œuvre depuis encensé aux quatre coins du monde de la musique, qui ne se vend toujours pas alors qu'en faisant de la - excusez le terme - "pornographie" ("Je T'aime Moi Non Plus"), on vend par millions


Aujourd'hui, le manque de constance à faire des tubes qui remplissent les caisses des maisons de disques est sanctionné par la disparition de "l'artiste" (mettons le mot entre guillemets car on ne demande plus aux distributeurs de sucettes pour oreilles actuels d'être des artistes). Aujourd'hui, Gainsbourg n'aurait jamais dépassé dix années de carrière dans le circuit des majors et serait retourné jouer dans les troquets où, après des nuits passées à affronter l'indifférence, il serait allé regarder pousser les choux qu'il arroserait au whisky sur le bar avant de retourner barbouiller des toiles en gagnant sa croûte à donner des cours de musique à des gosses de riches qui ne pianoteront jamais aussi bien sur un Steinway qu'ils ne commettent de fautes d'accords sur leur iPhone.


Un quart de siècle  sans un Gainsbourg, c'est d'autant plus long maintenant que l'industrie musicale empêche qu'un artiste se crée sur la longueur. Ça fait sans doute vieux con de se dire qu'on a vécu une meilleure époque que tout ceux qui sont nés post-Gainsbourg - surtout quand on n'a jamais connu que les dernières années de son vivant - mais que celui qui trouve que la chanson française n'a pas perdu de son lustre en vingt-cinq ans me jette le premier en maison de retraite. En 1985, les premières Victoires de la Musique honoraient Gainsbourg avec son très osé album Love On The Beat et Michel Jonasz ave la chanson "La Boîte de Jazz". Les dernières, en 2016, dans les mêmes catégories, ont récompensé Johnny Halliday (l'ex-yéyé ne laisse ainsi pas de place pour l'avènement d'un nouveau Serge) et Maître Gims ("Sapé Comme Jamais"). Comment ne pas dire que la chanson française a pris une sévère fessée ?