lundi 12 octobre 2015

C'est lundi, c'est la reprise : Reuno dans des draps de satin blanc



Reuno Wangermez (dit "Reuno De Lofo" pour les habitués) ne sait pas écrire une chanson d'amour. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer mais dès qu'il s'agit de parler d'amour chez Lofofora, celui-ci est plus souvent physique (parfois cru, à la limite de l'ambigüité question bons sentiments, cf. "Humide Song") voire violent, dérangeant ("Macho Blues"), dans le cas d'amours à sens unique, abusifs ("Romance").

Ou plutôt Reuno n'y arrive pas. Sur leur dernier album, L’Épreuve du Contraire, il y a bien un morceau simplement intitulé "Chanson d'Amour" mais voilà, le chanteur et parolier de ces vétérans du hardcore / metal fusion hexagonal y exprime justement l'impossibilité pour lui d'écrire les mots "je t'aime" sur une partition tant il est toujours confronté à l'urgence de prendre sa plume pour gratter un texte engagé ou cracher sa rage.

Par conséquent, il faut chercher ailleurs pour entendre Reuno hurler "I love you".

C'est lundi, c'est la reprise, et vous vous dites : Lofo a bien dû faire une cover d'une ballade, d'une élégie originellement chantée par un de nos plus vieux et fameux interprètes français - car n'oublions pas que le groupe ne s'exprime que dans la langue de Desproges. Et même s'il a effectivement plus d'une fois donné dans cet art de la réinterprétation, à part l'érotique - mais à l'Eros solipsiste - "Madame Rêve" de Bashung, rien ne se rapproche encore dans leurs œuvres d'une véritable chanson d'amour.

Mince, trois paragraphes pour se rendre compte que Lofofora n'a jamais pu pondre une chanson d'amour - constat déjà déclaré dès la première phrase - était-ce bien utile ? Eh bien, c'était un mal nécessaire pour mieux comprendre et apprécier qu'il a fallu à Reuno sortir de la zone lofoforienne pour enfin nous balancer un slow ! Et en anglais qui plus est !

Car oui, Reuno a depuis presque dix ans une cour de récréation plus américanophile et anglo-saxophone (pouet !) que d'habitude qui lui a notamment permis de toucher à un de ces titres qui ont fait péter le plafond du taux de natalité et de souiller bien des parures de lit en leur temps : le tube des Anglais The Moody Blues "Nights In White Satin". Et ça, c'est un vrai morceau de lover...

Mais, presque fatalement, cette chanson parle encore d'un amour à sens unique, d'une de ses relations à distance dans lesquels les sentiments s'étiolent et où la passion laisse finalement place à l'oubli et où la voix rauque de crooner écorché de Reuno exprime parfaitement le douloureux arrachement qui s'associe aux mots "I love you" quand il n'y a personne pour les recevoir.