vendredi 21 octobre 2016

Hôtel Splosh, chapitre 03


Comme tous les matins, je me réveillais avec un goût amer dans la bouche qui ne demandait qu’à être lavé à grandes gorgées de thé. Ce fut avec la tête lourde et les yeux encore bouffis de sommeil que je pris mon petit-déjeuner tout en me disant une nouvelle fois que ma boîte aux lettres sera vide et que DJ Stooges sera passé(e) à autre chose. Que tout ça n’aura été qu’un petit délire sans suite d’un mélomane cinéphile fantaisiste, avant de me rappeler que c’est au moment où je n’espère plus rien que l’individu finit par refaire surface.

M’efforçant donc de passer à autre chose, je me rendis au salon, près de la fenêtre que j’ouvris pour me rafraîchir un peu. La vue du paysage et le vent frais m’apaisèrent jusqu’au moment où j’entendis un léger bruit du côté de la cuisine. Je m’y rendis aussitôt et découvris avec stupéfaction, là, sur la table, la fameuse enveloppe kraft signée à mon nom. Les mains tremblantes, je l’ouvre pour découvrir la pochette du volume 3 de la série.


La panique avait totalement balayé la satisfaction de me retrouver avec l’objet longuement attendu. Tout d’abord, Stooges avais posté secrètement les 2 CD précédents en m’envoyant à chaque fois un email au moment précis où j’ouvrais les enveloppes, ce qui était déjà inquiétant ; mais là, il/elle s’était directement introduit(e) chez moi, juste sous mon nez, pour y déposer le troisième ! Ça confirme bien ce que je soupçonnais la dernière fois : le gars observe vraiment tous mes faits et gestes ! Je me précipitai sur mon ordinateur pour y trouver le nouveau message de ce taré : Did I Miss You ?
Et en plus, il se foutait de ma gueule…

Un grincement se fit entendre à l’étage supérieur. Me saisissant d’un couteau de cuisine, je montai frénétiquement les escaliers, le souffle lourd et l’esprit envahi par la terreur quant à l’origine du bruit, ainsi qu’à la réussite peu probable de ma riposte étant donné l’avantage que semblait avoir mon envahisseur omniscient. Des bruits de meubles que l’on déplace émanèrent de derrière la porte de la salle de bain. Je l’envoyai valser d’un coup de pied pour recevoir en pleine figure une tarte à la crème dans le plus pur style Mack Sennett. Les quelques dixièmes de secondes ayant précédés l’impact ne m’avaient fait voir aucun lanceur. Et au moment de m’essuyer les yeux, il y eut ce rire. Un rire qui résonna dans toute la maison. Un rire si clair et éraillé en même temps qu’il m’était impossible de dire si c’était celui d’une femme ou d’un homme, ni même quel était son âge. Paralysé de trouille, je restai là comme un con avec mon couteau de cuisine à la main et ma gueule couverte de chantilly. La tarte qui s’écrasa sur mon dos me fit sursauter et la volte-face que j’effectuai en cinglant l’air avec mon arme n’eut pas d’autre effet que de me prendre en retour une nouvelle pâtisserie au visage. D’autres suivirent, m’atteignant au torse, à l’arrière du crâne et à l’entre-jambe … aveuglé et cerné par ce rire dont l’écho se répercutait de toutes parts, j’écartai une nouvelle fois la crème de mes yeux, ce qui me permis de voir inscrit sur le mur le message Did I Mess You ?. Alors que je restai figé par la peur, une main vint se poser à cet instant précis sur mon épaule…

Je me réveillai entortillé dans mes draps, dégoulinant de sueur. La douche que je pris dura plus longtemps que d’habitude, le petit-déjeuner n’eut aucune saveur et ce fut à peine si l’air frais du matin me faisait du bien. J’essayai d’oublier tant bien que mal ce cauchemar mais mon esprit s’y refusait. Mécaniquement, je me dirigeai vers ma boîte aux lettres ; non seulement elle n’était pas vide, mais en plus son contenu correspondait bien à mon rêve. C’était bien la même pochette verte avec son entartage violent saisi sur le vif.


Le temps s’arrêta. Je me sentis vide, appréhendant la manifestation de ce psychopathe comme dans mon rêve. J’ignore combien d’heures se sont écoulées à ce moment-là, toujours est-il qu’il ne se passa rien. Pas de phénomènes étranges ni même d’emails parfaitement synchrones comme à l’accoutumée. C’est en examinant l’enveloppe que je trouvai au fond un petit mot dactylographié : “Merci pour le retour sur le volume 2, j’espère avoir fait mieux avec celui-ci. DJ Stooges”

La simplicité de ces mots m’avait rappelé à la sympathie que je pouvais avoir pour le bonhomme, mais pas suffisamment pour chasser totalement mes idées noires. Aussi, mon écoute de ce disque fut perturbée, bien que plaisante dans l’ensemble. À la vue des titres, il semblerait que DJ Stooges ait voulu se rapprocher davantage de son thème de prédilection en convoquant de nouveau le cinéma : on a ainsi droit au morceau de Goblin accompagnant la scène d’entartage dans le magasin du Zombie de George Romero, à Maury Laws pour un titre jazzy tiré de la BO du film d’animation Mad Monster Party, ainsi qu’à un titre que Piero Umiliani a composé pour accompagner un film de Charlie Chaplin. Le tout est joyeusement agencé dans un mélange qui joue sur les contrastes d’ambiance, prenant presque l’allure d’un zapping. On passe du classique langoureux de De-Phazz à un morceau drill’n’bass violent d’Emotional Joystick, d’un tube électro à une chanson gentiment désuète d’Eileen Barton, le tout pour finir en beauté sur le titre Panzoni Pasta que le Sergent Fractal avait diffusé lors de l’émission Fusion(s) 2. L’unité que j’avais saluée sur le volume précédent a été ici sacrifiée pour mieux nous surprendre.

Certes, je suis toujours content de partager ce contenu, mais est-ce bien raisonnable ? Est-ce que cet être mystérieux n’est pas en train d’affecter ma santé mentale ? Et d’ailleurs, pourquoi cette communication soudaine sur papier et non plus par email ? Est-ce que Stooges aurait anticipé mes réactions et qu’il/elle ait voulu me rassurer… ou alors…

C’est décidé, à partir de maintenant, j’investis dans un système de caméra-surveillance. Je ne me sens plus en sécurité chez moi.




00 : 00 - TERRY S. TAYLOR Coffee and Other Just Desserts
01 : 28 - DE PHAZZ Death by Chocolate
06 : 05 - EMOTIONAL JOYSTICK Muddy and Sloppy
08 : 46 - GOBLIN Torte in Faccia
10 : 38 - MAURY LAWS Cocktails
13 : 44 - PORNOSONIC Peach Pie
16 : 12 - MUNK Disco Clown
20 : 06 - EILEEN BARTON If I Knew You Were Coming (I'd've Baked a Cake)
22 : 42 - PIERO UMILIANI Torte in Faccia
25 : 07 - GRACE JONES Peanut Butter (Pull Up the Bumper Instrumental)
30 : 11 - WEVIE STONDER Cafe Con Lecce
33 : 57 - GIANNI ODDI Torte in Faccia
36 : 20 - BOOM TSCHAK More Chocolate, Please
40 : 31 - PAUL C & PAOLO MARTINI Amore (Karotte's "Cake in Your Face" Remix)
46 : 41 - VLADIMIR BOZAR 'N' ZE SHERAF ORKESTÄR Panzoni Pasta

À suivre (?)…