jeudi 13 octobre 2016

Interview : Zackarose colore l'électro en blues


Découvrir Zackarose est ce que l'on peut appeler un heureux hasard. C'est en cherchant, pour notre émission "Fusions et Transgenres Musicaux" de juillet dernier, un artiste qui fait se fondre deux genres quasi opposés - l'un teinté de vieille tradition, l'autre de la plus grande modernité -, le blues et l'électro, que nous avons eu la chance de tomber sur lui. Et quelle veine : comme notre équipe, notre trouvaille est basée à Lyon. Il était donc impératif pour nous de le rencontrer pour en savoir plus sur lui.

"Un homme, des machines et une guitare. Quand électronique et acoustique s'allient sur fond d'influences afro-américaines, Zackarose est là ! C'est à Lyon, depuis 2013, que le musicien expérimente le mariage du blues et de l'eléctro. Deux ans, deux E.P. Dans le 1er, First Draft, blues, soul, funk, se disputent la partie sur des rythmiques langoureuses. Guitare, chants, harmonica, nous invitent au voyage. C'est avec Letter From Nowhere, son 2e E.P., que Zackarose s'affirme : des beats électroniques chaloupés, des guitares qui crient le blues, des nappes de synthétiseurs envoutantes, des percussions groovy... Letter From Nowhere explore les contrées de l'électro, du trip-hop, en passant par le hip-hop, sans abandonner les influences bluesy, un album poétique et dansant." 

Ce sont tout les mots que nous pouvions trouver jusque là pour connaître ce one-man band. Présent au programme du quatrième "Troc Ton Slip", le 25 septembre, place Colbert, sur les pentes de la Croix Rousse, nous nous sommes rués sur l'occasion pour vous ramener son histoire, son parcours.

Julian alias Zackarose en pleine installation de son matériel au Troc Ton Slip

Amiral Animal : Bonjour Zackarose, est-ce qu'on peut t'appeler Julian ?

Julian (Zackarose) : Oui, oui, bien sûr.

Alors, j'avais présenté ta musique lors d'une de nos émissions mais je ne pouvais guère présenter l'artiste étant donné que tout ce qu'on peut trouver sur le web, c'est la même bio partagée à l'identique par tous les sites qui parlent de toi. C'est donc ce qui a motivé cette interview. Alors, simplement, Zackarose, qui es-tu, d'où viens-tu, quelle est ta galaxie, c'est quoi ton parcours musical ?

Eh bien, je suis à Lyon depuis quelques années déjà. Je fais de la guitare à la base donc j'ai officié dans beaucoup de groupes à la guitare. J'ai actuellement un groupe de chanson française, Basil Drapier, j'ai un projet également d'électro hip-hop qui s'appelle Flying Beat Theory, le tout à Lyon. Voilà, j'essaie d'avoir des horizons variés au niveau musical. Je pars de la guitare mais je fais aussi des percussions, de l'électronique... Et voilà, je fais partie de plusieurs formations à Lyon.

Tu produis, masterises, etc. tes enregistrements. Tu as un parcours dans l'ingénierie du son, ce genre de choses ?

Un parcours, pas vraiment. J'ai appris tout seul sur le tas parce que quand j'ai commencé Zackarose, à faire des productions, il y a un moment, pour y mettre sur internet, où il faut apprendre à mixer, apprendre à enregistrer, apprendre à masteriser... Après, maintenant, le mastering, je le confie à quelqu'un d'autre parce que ce n'est pas mon métier, des oreilles extérieures le font bien mieux. Tout ça, c'est venu au fur et à mesure, avec l'envie de faire ce projet où finalement j'ai besoin d'enregistrer des guitares, des percussions et autres et de les mixer pour avoir un son cohérent.

Essentiellement autodidacte, du coup ?

Ouais.


Je parlais de ta bio et celle-ci commence par la ligne "un homme, des machines, une guitare".  Zackarose, c'est donc un one-man band mais sur scène c'est parfois un duo avec Prince T. qui chante sur un titre de ton 2e EP. Tu peux nous parler de cette association ?

En fait, on s'est rencontré à travers mon autre projet, Flying Beat Theory. Il a intégré ce projet là, on a plusieurs rappeurs, le courant est bien passé, du coup, à un moment je me suis dit : étant donné que j'ai des influences hip-hop et que je fais pas mal de hip-hop dans ma musique, c'est l'occasion de faire un petit featuring et depuis on a fait pas mal de scène ensemble, et maintenant on fait deux-trois chansons ensemble sur scène parce que ça marche plutôt pas mal comme collaboration.

Et du coup, c'est un duo qui a vocation à prendre plus d'importance plus tard ?

Eh bien, il en prend déjà plus sur scène maintenant. Vendredi dernier, on a joué et il était présent sur un tiers du set. Et c'est bien, on a une deuxième chanson en cours qui va bientôt sortir. Et puis, oui, on va continuer ensemble, c'est sûr.

Le deuxième point de cette première ligne de ta bio, c'est "des machines" car tu fais de l'électro-blues, tu fais se rencontrer un genre très roots, traditionnel voire classique, avec l'une des musiques les plus modernes aujourd'hui. Comment es-tu parvenu à cette idée ?

C'est venu un peu tout seul. Comme je disais, je viens de la guitare mais il y a un moment où j'ai commencé à tripper sur mon ordinateur sur des sons très variés, autant trip-hop que techno et finalement se sont dégagé des compos où je mêlais la guitare à des rythmiques électroniques et je me suis dit qu'il fallait que j'en fasse quelque chose. C'est venu un peu comme ça, de la réunion de mes influences, de ce que j'aime jouer, écouter...

Alors, justement, tes influences... Il y a des artistes parmi tes influences qui t'ont donné le déclic ? Tu avais déjà entendu de l'électro blues dans ton passé, dans ton background musical ?

Alors, de l'électro-blues, non, pas vraiment, quand j'ai commencé à mettre des sons j'avais cherché des artistes similaires, sur Soundcloud notamment, une plateforme qui est pas mal pour échanger entre musiciens, et j'ai pas trop trouvé... Sinon, pas comme de l'électro-blues, de l'électro-swing avec plus un style house derrière. Mais j'ai toujours aimé les musiques qui mélangent les styles traditionnels avec un truc plus électro comme Balkan Beat Box ou autres mais avec d'autres styles que le blues.

Comme tu viens de la guitare, tu dois connaître Jeff Beck...

Ouais.

... qui a fait entre la fin des années 90 et le début des années 2000 des albums très électro (Who Else!, en 1999, et Jeff, en 2003), alors que lui justement a un background très blues.

Ha, je connaissais pas ça. Il faudra que j'aille les écouter.

Ils sont vraiment très bons. Je crois que ça fait partie des ses meilleures productions de ces vingt dernières années. D'un autre côté, l'électro-blues, c'est presque un évidence aussi car ce sont deux genres qui misent beaucoup, l'un comme l'autre, sur la répétitivité.

Ouais, et du coup j'ai écouté l'émission et j'ai trouvé ça intéressant ce que tu disais justement sur ce point là. C'est vrai que le blues c'est quand même beaucoup des riffs de guitare qui tournent en boucle. Et puis évidemment il y a la voix habituellement, parce que moi je ne chante pas donc il n'y a pas de voix sur ce que je fais. Mais au niveau de la boucle, c'est vrai qu'on retrouve beaucoup ça et moi j'ai beaucoup travaillé ce projet là en termes de boucles. Je boucle mes guitares même si je pourrais jouer tout le morceau mais je préfère la texture boucle qui entraîne cette répétitivité.


Justement, "des machines, des guitares", on peut parler un peu technique et matos. D'abord technique de composition comme tu disais que tu utilisais beaucoup la boucle. Alors est-ce que tu fais du sampling ? Est-ce que tu joues tout ce que tu mets ensuite dans tes machines ? 

Alors, moi, je fais vraiment très peu de sampling, j'ai vraiment très peu de samples. On va dire que c'est plus du sampling maison dans le sens où je sample mes guitares et je crée des boucles à partir de ça mais c'est quand même plus des choses que je vais enregistrer moi, des percussions, des guitares ou autres.

Percus, harmonica, c'est toi qui joues ? 

Ouais. J'ai plein de petits instruments, j'aime bien ramener la texture acoustique là-dedans.

Et du coup, quels sont tes instruments de prédilection, autant électroniques qu'acoustiques ?

Acoustique, c'est forcément les cordes, les guitares et autres...

Avec un préférence niveau guitare ? 

Non, parce qu'à la maison, je vais plutôt jouer de la classique. Sur Zackarose, je pars toujours d'une guitare folk, j'aime beaucoup la texture folk, et finalement les solos viennent avec la guitare électrique. Donc, finalement, j'aime bien toute les guitares. Pas de préférence. Et au niveau électronique, j'essaie de m'éloigner de plus en plus du logiciel. J'ai quelques synthés analogiques, j'aime beaucoup ça.

Tu as envie d'expérimenter avec les anciens instruments électroniques ? 

Ouais, ça, j'aimerais beaucoup. Et me rapprocher de choses où il n'y a pas d'ordinateur, où on peut avoir des boîtes à rythmes,  des machines, ce qui fait que tout est produit en live.

Finalement, ça va devenir de plus en plus roots cet électro-blues.

Eh bien, je sais pas, on verra (rire).


On va parler un peu  de l'avenir : tu as sorti deux EP en 2014 et 2015, 2016 surtout du live...

Essentiellement, oui.

Et tu m'as dit avec Prince T, il y a déjà une chanson que vous avez composé...

Ouais, elle va sortir incessamment sous peu. Elle est déjà composée et jouée plusieurs fois sur scène.

Et du coup, encore un EP ou tu vises le format album ?

Non, je vais pas viser le format album, je vais encore viser un EP. Je pense que l'album ce sera après, plus tard... Je me considère encore dans la phase de développement donc je vise un EP. Et le gros travail 2016, 2017, ça va être autour de la scène, faire des résidences, travailler la création lumière, la scénographie, la mise en scène...

Des objectifs particuliers de mise en scène ?

Eh bien, le travail vient juste de commencer, il y a quelques idées qui se détachent mais juste s'écarter d'une table, des instruments, quelqu'un qui joue, faire évoluer ça, faire bouger la scénographie, mettre en place un scénographie avec des lumières bien calées pour que ça ait plus des allures de spectacle que d'un simple concert.

Avec des intervenants en plus peut-être pendant le concert ? 

Pour l'instant c'est pas prévu mais à voir.

Tes deux EP sont à prix libre sur Bandcamp, avec donc possibilité de les avoir gratuitement. Pourquoi ce choix ?

Parce que moi j'ai toujours beaucoup téléchargé et que je suis plus pour ce modèle au niveau de la musique, de manière globale, le partage de la musique. Après on aime la musique, on l'écoute, on va la voir en concert. Moi, j'ai l'impression que c'est comme ça que ça marche. Et si on veut supporter un projet, c'est à prix libre. Mais aussi j'aime beaucoup l'idée du téléchargement libre car même si on n'a pas d'argent on peut accéder à cette musique. Ca me correspond mieux.

L'idée aussi de déculpabiliser le téléchargement gratuit ? 

Bin, peut-ête ouais, mais ça fait une quinzaine d'années que le nouveau modèle économique autour de la musique se cherche, depuis l'écroulement du CD mais je pense qu'il faut tendre vers ça. Après, maintenant, il y a les plateformes de streaming, ça a mieux marché, les gens s'abonnent, c'est une autre alternative aussi mais où la musique n'est plus disponible gratuitement.

Aujourd'hui nous nous rencontrons dans le cadre du Troc Ton Slip, où tu joues en tant que Zackarose mais aussi en tant que guitariste du groupe Basil Drapier. Tu nous as parlé justement de tes autres projets mais en l'occurrence, Basil Drapier, c'est qui, c'est quoi ?

Basil Drapier, c'est des chansons françaises, c'est un projet qui est né autour de son créateur, auteur-compositeur-interprète, qui est Benjamin Buthen. Voilà, c'est de la chanson à texte, on est quatre : contrebasse, moi à la guitare, le chanteur et notre femme-orchestre, Janine, qui joue plein d'instruments, qui chante, qui fait plein de choses.

Pour l'instant, j'ai vu quelques enregistrements sur Soundcloud, qu'est-ce qu'il y a comme matériel de Basil Drapier disponible ? 

Cette année on a fait deux, trois vidéos live qui sont ien pour montrer ce qu'est Basil Drapier sur scène. Après, c'est vrai qu'on manque de matériel, c'est pour ça qu'on enregistre dans un mois un petit EP pour promouvoir ça et démarcher.


En plus de musique tu t'occupes aussi un peu de visuel. D'ailleurs tu as sur ton T-shirt l'artwork de ton deuxième EP Letter From Nowhere. Alors tu as fait cet artwork, je crois. Ou tu partais d'un autre dessin...

Oui, d'un autre dessin. C'est mon amie qui s'appelle Camille Toni qui a fait cette gravure que je trouvais assez jolie et je me suis dit ça peut faire une pochette d'album sympa. Moi, ça va plus être le graphisme, photoshop, reprendre cette gravure et puis mettre en forme.

 Et ce personnage sur cette pochette, est-ce que tu y vois plutôt un sage, un fou, un prophète ?

Je ne sais pas si j'y vois vraiment quelque chose. 

Qu'est-ce que tu as vu la première fois dans cette gravure ?

J'ai vu... ou plutôt il y a des gens qui ont vu... plusieurs personnes qui m'ont dit : ha, c'est marrant, on pourrait presque croire que c'est toi en plus vieux. Ou alors on pourrait croire que c'est un vieux bluesman. Ca a un côté très expressif et ce qui me plait là-dedans c'est que les gens y voient plein de choses alors qu'à la base moi je trouvais ça joli et que ça pouvait être en adéquation avec ma musique.  Mais sans y mettre une image précise moi-même.

Tu te projettes en vieux bluesman dans l'avenir ? A faire encore ça avec tes vieilles machines, de plus en plus vieilles à la longue ?

Je sais pas, c'est peut-être comme ça que je vais finir.

C'était vraiment difficile de trouver autre chose sur toi jusque-là avant cette discussion et donc je suis bien content qu'on ait pu en parler et j'ai hâte d'entendre la suite. Donc à suivre. 

Eh bien ça me fait plaisir, c'est cool que vous soyez tombés sur mon projet. 

Et donc l'avenir proche, c'est ce soir le concert au Troc Ton Slip. D'autres concerts prochainement ? 

Non, prochainement, pas de concerts prévus. Ca va plus être le moment de rentrer dans une phase de travail, sur des nouveaux sons notamment et sur la scène.

Et tes autres projets aussi qui continuent à vivre.

Ouais aussi. C'est une année d'enregistrement pour moi. Tous les projets vont sortir des EP ou des albums avec mon groupe Flying Beat Theory. Donc voilà, ça va être l'hiver composition, plus porté sur le travail à la maison.

Eh bien on écoutera ça. Merci beaucoup Julian, à bientôt.

Merci à toi.

Interview réalisée en face-à-face et retranscrite par l'Amiral Animal.

Photos : A. Animal

Retrouvez Zackarose sur Facebook et Bandcamp.