jeudi 14 janvier 2016

Top 5 des meilleurs films d'animation de 2015 selon le Docteur Slapstick

Même s'il est un grand dénicheur de curiosités musicales, le Docteur Slapstick, sa spécialité, c'est avant tout le cinéma d'animation et, s'il n'a pas tellement fureté en 2015 chez les disquaires, vous pouvez être certains qu'il a usé les fauteuils des salles obscures pour en revenir avec le palmarès des meilleurs films d'animation de l'année passée.

N°5. Mune, le Gardien de la Lune de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan


Aton Soumache (soit le producteur français le plus ambitieux de ces dernières années avec son comparse Dimitri Rassam) n’a pas chômé puisqu’on lui doit deux films d’animation pour cette année 2015 avec Le Petit Prince et Mune, le Gardien de la Lune. Malgré les qualités indéniables de l’adaptation de l’œuvre de St Exupéry, le film de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan a su me convaincre davantage par la beauté de son univers, tant dans le design des décors que dans celui des personnages, ainsi que son équilibre entre l’humour et la poésie. Les auteurs ont véritablement su créer un univers qui leur est propre, aux influences présentes mais parfaitement digérées, entre mythologie elfique, onirisme miyazakien et fantasy pop à la Dofus. Un dépaysement doux et chaleureux qui confirme, après Minuscule, la Vallée des fourmis perdues et Astérix et le Domaine des Dieux, que la France sait faire des long-métrages d’animation 3D capables de tenir la distance avec les productions américaines et japonaises.

N°4. Shaun le mouton, le film de Mark Burton et Richard Starzack


Issu d’un court-métrage de Wallace et Gromit, Shaun le mouton a eu droit à sa propre série télé avant de connaître la consécration avec ce film. Et à l’instar du fameux duo, la transposition du format court au long est une nouvelle fois une réussite. Cherchant à fuir leur quotidien morne, les moutons de la ferme mettent au point un stratagème qui va mal tourner et envoyer leur maître en plein cœur de la ville et totalement amnésique. Charge à nos chers ovins de le retrouver en se mêlant parmi les humains tout en cherchant à échapper à la fourrière. Sur le bête schéma du « poisson hors de l’eau », les studios Aardman déploient le sens du burlesque qui a fait leur réputation au service de l’expressivité des personnages, de la mise en scène et de la musique… puisque l’ensemble ne contient aucun dialogue, si ce n’est des cris pour les animaux et des borborygmes pour les humains. Tout passe par la justesse des expressions des personnages, justesse renforcée par l’effet de présence de la pâte à modeler qui, loin de se limiter aux métamorphoses plastiques, introduit une dramatique du geste avec beaucoup de sensibilité. Un film simplement drôle et touchant, et qui tacle au passage les effets de mode montés en flèche par les réseaux sociaux.

N°3. Snoopy et les Peanuts, le film de Steve Martino


Transposer le style de Charles Schulz en animation 3D : on pouvait difficilement faire pari plus casse-gueule. Et pourtant, les studios Blue Sky l’ont fait et le résultat est bien au-delà de la bande-annonce qui avait déjà placé la barre très haut. Bénéficiant de la douceur lisse de l’animation numérique, la patte du dessinateur se retrouve dans les traits et les points crayonnés directement posés sur les personnages modélisés, ainsi que dans une animation volontairement abrupte, toute en poses-clés successives. Cette semi-abstraction du geste permet d’enchaîner les actions des personnages de manière inattendue, introduisant ainsi des idées de mise en scène peu voire jamais vues dans un long-métrage en 3D, le tout à un rythme effréné. Le scénario reprend la structure épisodique des comic strips d’origine tout en formant un récit cohérent dont l’intérêt ne faiblit jamais. On ne pouvait pas faire plus belle célébration de l’œuvre de Schulz, où la mélancolie s’entremêle joyeusement avec la joie. De loin la production 3D la plus rafraîchissante que l’on ait connue ces dernières années. Et on en vient à regretter davantage l’annulation par Sony Pictures du Popeye de Genndy Tartakovsky.

N°2. Souvenirs de Marnie de Hiromasa Yonebayashi


C’est sur ce film que les studios Ghibli achèvent leur production de long-métrages (provisoirement, peut-on espérer ?). Après deux grandes fresques respectivement assurées par Hayao Miyazaki (Le Vent se lève) et Isao Takahata (Le Conte de la Princesse Kaguya) qui, chacune à leur manière, semblaient presque pêcher par excès d’ambition, Souvenirs de Marnie paraît bien sage à côté. Or, cette modestie dans le déploiement narratif et la mise en scène sied à merveille pour le deuxième film de Yonebayashi après le sensible Arrietty, le petit monde des chapardeurs. Anna, une jeune fille souffrant d’asthme, est envoyée à la campagne chez sa tante et découvrira aux abords des marais une maison dans laquelle vit une jeune fille étrange du nom de Marnie, avec qui Anna va se lier. La force de ce film (outre son thème d’ordinaire très mal traité en animation qu’est l’amitié entre filles) est la manière très posée avec laquelle le réalisateur parvient à créer une aura de mystère autour du personnage de Marnie dont la nature n’est révélée qu’au compte-gouttes. Et si ce mélange de fantastique et de rythme contemplatif ne fait pas de Souvenirs de Marnie l’œuvre la plus marquante des studios Ghibli, elle n’en demeure pas moins un film beau et profondément émouvant.

N°1. Vice-Versa de Pete Docter et Ronnie del Carmen


C’était attendu mais je ne pourrai jamais tarir d’éloges sur Vice-Versa, véritable retour en grâce des studios Pixar après une forte baisse de régime depuis Cars 2… et tout simplement le film le plus adulte et le plus profond que la firme à la lampe ait jamais conçu. Si le corps humain comme monde intérieur a déjà été mis en scène en animation, les visées étaient principalement éducatives (Il était une fois la vie) ou comiques (Osmosis Jones). Ici, les émotions qui habitent un être sont données pour ce qu’elles sont et viennent incarner divers concepts psychologiques avec une limpidité mise au service de l’imagination débridée des artistes de Pixar. Souvenirs, cheminement de pensées, mémoire à court et long terme, traumatismes, idées abstraites, oublis… tout vient former la logique d’un monde à la fois complexe, fragile et mis en scène avec une évidence qui n’en devient que plus belle. Joie, tristesse, colère dégoût, peur, frustration, résignation, déni… tout est grossi au microscope et pourtant rien n’est jamais caricaturé. Parce qu’il sublime la source même de son propos, le film renvoie à notre propre expérience émotionnelle forgée au cours de l’enfance qu’il fait éclater au grand jour par la déconstruction minutieuse, drôle et touchante de la psyché humaine. Vice-Versa est un miracle cinématographique qui respecte son public d’enfants tout en émerveillant les adultes sans mièvrerie aucune et qui rappelle à tous l’importance de pouvoir exprimer ses émotions. Pour sa beauté formelle, l’intelligence de son scénario, sa célébration des capacités de l’animation en tant que médium et la foi qu’il me redonne en l’humanité, Vice-Versa mérite amplement cette première place.